Histoire(s) de foot : L’équipe du FLN

Avril 1958, l’équipe de France est en préparation pour le Mondial 58. Cette fabuleuse équipe fait partie des favorites grâce à ses enfants d’immigrés Polonais (Kopa, Piantoni), son attaquant Fontaine, et ses Algériens Zitouni, Mekhloufi et Ben Tifour. Quand, les 13 et 14 avril 1958, 12 joueurs fuient leurs clubs français.

Quatre joueurs manquent à Monaco : le milieu double champion de France Ben Tifour, le défenseur Zitouni (alors convoité par le Real Madrid), ainsi que Bekhloufi et Boubekeur.

À Saint-Étienne, c’est l’attaquant star des champions de France Mekhloufi qui manque, tandis que le voisin lyonnais est à la recherche de Kermali. Il en est de même à Angers (Rouaï), à Toulouse (Bouchouk et Brahimi) et à Avignon (Arribi). Deux joueurs sont arrêtés à a frontière (Maouche et Chabri) et le plan est alors connu. Ces joueurs ont fui à Tunis pour créer l’équipe du FLN et demander l’indépendance de leur pays, l’Algérie.

Petit retour en arrière pour mieux comprendre. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les colonies souhaitent obtenir leur indépendance. Le Vietnam se libère suite à la guerre d’Indochine en 1954, puis le Maroc et la Tunisie en 1956.

A contrario, l’Algérie est considéré comme une région française (au même titre que la Bourgogne) et le gouvernement refuse son indépendance. Le Front de Libération Nationale (FLN) se créé alors et attaque les “envahisseurs” avec des attentats sur le modèle de la Résistance française. Cette tension débouche sur une guerre militaire et la terrible bataille d’Alger (1957).

Afin de gagner la bataille de l’opinion, le FLN souhaite faire revenir les joueurs d’origine Algérienne de France pour fonder une équipe nationale. Se met en place alors tout un plan orchestré par un ancien joueur (Boumerzag), qui sera l’entraîneur de l’équipe. C’est donc chose faite en avril 1958.

La FFF fait aussitôt interdire cette équipe de compétitions par la FIFA et se fend du communiqué suivant :

La foi dans l’avenir du football dans nos chères provinces nord-africaines pénètre leurs dirigeants… Les joueurs indigènes mordent à pleines dents dans le pain du football que nous leur distribuons. Chabbri est lui emprisonné.  À l’inverse, Kopa, Piantoni et Fontaine déclarent leurs sympathies à leurs anciens partenaires”

L’arrivée à Tunis est moins triomphale que prévu. Non prévenu de leur arrivée, le commandant local du FLN Kaci leur signifie qu’ils ne sont pas les bienvenus en Algérie. Interdits de séjour en France et en Algérie, les joueurs sont alors des apatrides. Heureusement, devant la foule de média présente devant l’hôtel des joueurs, le commandant Kacci comprend l’intérêt de cette équipe pour le FLN et annonce la création de l’équipe.

L’équipe, renforcée par un Algérien habitant en Tunisie, débute par un tournoi contre les nations arabes qu’elle remporte haut la main (victoire 2-0 contre la Tunisie puis 6-1 contre le Maroc). Elle fera ensuite une tournée contre les équipes du pacte de Varsovie (Bulgarie, Hongrie, Roumanie, Tchécoslovaquie, URSS) et en Asie.

Les autres sélections refusent de braver l’interdit de la FIFA et l’équipe du FLN est régulièrement conspuée comme en Irak où les “De Gaulle” descendent de la tribune. Elle ne pourra jamais jouer en Algérie car celle-ci est toujours une colonie française.

En 1962, le général De Gaulle met fin à la guerre et l’Algérie obtient son indépendance. Les joueurs reprennent alors leurs carrières, en France pour certains.

Ils y seront souvent très bien accueillis, comme Rachid Mekhloufi retourné à Saint-Étienne. Il n’y a aucun bruit dans le stade au début du match puis les “Rachid, Rachid” tombent des tribunes une fois son premier ballon touché. Suite à une victoire en coupe de France, De Gaulle lui dira même “La France c’est vous”.

Ainsi, Mekhloufi aura participé à l’indépendance de son pays à sa manière. En jouant au football, en sacrifiant sa carrière professionnelle, et peut-être même un titre de champion du monde : sans leurs Algériens, les Français termineront 3e, avec le record de buts en coupe du monde de Just Fontaine (13 buts).

Si cette histoire vous intéresse, vous la retrouverez dans la BD Un maillot pour l’Algérie de Rey / Galic / Kris, ou dans le  super magazine disparu trop tôt DESPORTS (hors-série “Nous sommes foot”).