Histoire(s) de foot : un match dans les tranchées ?

La belle histoire du match de football dans les tranchées de 1914 entre soldats anglais et allemands a été racontée de multiples fois. Mais a-t-elle seulement existé ?

Avant de vous raconter la petite histoire, revenons rapidement sur l’origine du conflit.

Le terroriste qui déclencha une guerre mondiale

Le 28 juin 1914, l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche se fait révolvériser par un jeune nationaliste serbe. Cet attentat à l’encontre du souverain de l’empire austro-hongrois sera à l’origine de la plus grande tuerie du 20e siècle, la Grande Guerre.

Par le jeu des alliances, qui oppose…

  • la Triple-Entente d’un côté : France, Royaume-Uni et Russie,
  • et la Triplice de l’autre : Allemagne, Autriche-Hongrie et Italie

…l’Europe se retrouve en guerre, entraînant avec elle les pays alliés et grandes puissances mondiales.

À l’été 1914, abreuvés par leurs propagandes respectives, tous les protagonistes pensent que le conflit sera l’affaire de quelques mois, et que la victoire sera au rendez-vous avant Noël.

Soldats britanniques jouant au football pendant la première guerre mondiale – source  inconnue.

Mais la première guerre mondiale s’enlise, au propre comme au figuré. Rien que le 22 août 1914, 27 000 soldats français tombent au combat, ce qui en fera la journée la plus sanglante de toute l’histoire de France. En 5 mois, on compte déjà plus 300 000 morts, toutes nations confondues.

À la fin de la guerre, on dénombrera 10 millions de tués et 8 millions d’invalides, soit 6 000 morts par jour (pour vous donner une idée, c’est comme si la population de Cluny et Salornay-sur-Guye était décimée CHAQUE JOUR pendant 4 ans).

Soldats britanniques et allemands enterrant leurs compatriotes morts au combat avant la trêve de Noël – Wikimedia Commons.

Dans chaque camp, les soldats s’enterrent dans des tranchées, entre lesquelles subsistent un “no man’s land” de quelques dizaines ou centaines de mètres, théâtre des combats. On en est là, lorsque Noël 1914 arrive.

Le match de la trêve.

La belle histoire aurait commencé dans la nuit du 24 décembre au son de chants de Noël, sur le front franco-allemand au nord de la Belgique. Chaque camp aurait reçu son colis de Noël de l’arrière : courrier, cigarettes, ravitaillement…
Les sources concordent sur le fait que les Allemands seraient sortis les premiers de leurs tranchées, au matin du 25 décembre, pour fraterniser avec les soldats Anglais, sur la neige fraîche du no man’s land.

Les jeunes soldats, qui n’ont rien les uns contre les autres, partagent au contraire la même galère : le froid, la faim, la boue et les rats dans les tranchées, les camarades morts au combat, l’éloignement de la famille, et cette guerre dont ils ne comprennent pas forcément le but alors qu’ils en sont la chair à canon.

Personne ne sait vraiment comment le “match” aurait commencé, ni comment un ballon de football a pu se trouver là. Tout le monde est d’accord pour dire que les Anglais ont tiré les premiers (cliquez ici pour la référence culturelle) et lancé les premières passes à destination des Allemands.
Le reste relève probablement de la légende : des képis en guise de buts, et une victoire 3-2 des Allemands à l’issue d’un temps qu’on ne peut estimer règlementaire.

Aucun témoin n’a jamais pu rapporter directement la scène, bien qu’elle ait été racontée dans les journaux de l’époque et dans des mémoires beaucoup plus tard. Il n’existe aucune photo non plus, ce qui paraît logique vu les circonstances, bien que des images reconstituées aient pu nourrir l’imaginaire.

Soldats de la grande guerre jouant au football – source inconnue.

La trêve en elle-même ne durera pas longtemps, et les combats reprirent dès le lendemain, avec toute l’inhumanité et la barbarie possible, jusqu’au 11 novembre 1918.

Qu’importe que l’histoire soit trop belle pour être vraie. En 2014, l’UEFA et la FIFA ont reconnu “qu’un match d’au moins 90 mn avait eu lieu” et ont fait ériger un monument pour commémorer ce jour où le football a amené la paix au milieu du plus grand massacre mondial.

Deux articles ont essayé d’y voir plus clair : chez SoFoot (source de la photo de une) et France24.

Au cinéma, vous pouvez choisir entre une belle histoire à regarder au chaud à la maison : “Joyeux Noël” sorti en 2005 avec Diane Kruger et Guillaume Canet ou le plus réaliste et très haletant “1917” de Sam Mendes, sorti en début d’année.